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11 septembre 2010 6 11 /09 /septembre /2010 11:51

MORT OU VIF (THE QUICK AND THE DEAD), de Sam Raimi

TriStar Pictures, 1994

 

Opéra baroque à l'italienne

mort ou vif afficheRedemption est une petite ville de l’Ouest où vit, notamment, une forte population mexicaine. Celle-ci est entièrement sous la coupe de John Herod, ancien chef de bande cruel et redouté qui habite une grande maison baroque en bordure de la ville. Près de ce monument extravagant, une haute horloge rythme la vie de la cité : c’est au son de son carillon que se déroule chaque année un tournoi dont les règles sont fixées par Herod lui-même. Tous ceux qui s’y inscrivent sont libres de se défier les uns les autres. Les duels ont lieu dans la rue principale, au bas de la résidence d’Herod. Lorsque la grande aiguille marque l’heure, le premier coup de feu peut être tiré. Si la victoire revient d’abord à celui qui met son adversaire à terre, bientôt Herod annonce une nouvelle règle : le vainqueur est celui qui reste en vie.

C’est dans ce contexte qu’une femme arrive à Redemption. Nul ne sait d’où elle vient mais le spectateur comprend vite pourquoi elle est là : elle a une revanche personnelle à prendre sur Herod, meurtrier de son père. Les circonstances de ce drame de l’enfance sont éclaircies par des retours en arrière successifs. Cette femme, c’est Sharon Stone : soyons honnêtes, elle n’est pas entièrement convaincante dans ce rôle conçu pour elle (l’actrice est aussi productrice du film) et qui s’appuie sur sa plastique avantageuse sans exiger un jeu complexe. Face à Gene Hackman dans un rôle similaire à celui qu’il tenait deux ans plus tôt dans Impitoyable (mais en plus cabotin), elle fait pâle figure.

A ses côtés, Russell Crowe incarne un ancien pistolero repenti, devenu pasteur, dont le refus de tuer à nouveau ne résiste pas longtemps à l’impératif de sauver sa vie au cours des duels que lui impose un Hackman diabolique à souhait. Enchaîné durant une partie du film, traité comme un animal, Crowe est malheureusement cantonné par la présence de Stone et Hackman à une sorte de figuration améliorée. Le tout jeune Leonardo DiCaprio, déjà remarqué dans Blessures secrètes et Gilbert Grape mais pas encore starisé par Romeo + Juliette et surtout Titanic, bénéficie d’un traitement plus valorisant dans le rôle d’un jeune pistolero en mal de reconnaissance, qui fait des pieds de nez à la mort en en rajoutant dans l’insouciance et l’arrogance. Sa seule motivation est en vérité de gagner enfin le respect de son père, Herod, qu’il finit par défier.

mort-ou-vifLe film, mis en scène avec le sens du baroque par Sam Raimi (à l’époque, il est surtout connu pour les trois Evil Dead et Darkman), se roule avec délectation dans l’esthétique « décadente » du western italien : la photographie est signée Dante Spinotti, le montage Pietro Scalia, et la musique d’Alan Silvestri cultive le baroque à la Morricone. Par ses cadrages, sa flamboyance, son esthétique hyperbolique, Sam Raimi s’inscrit dans la lignée de Leone sans toutefois faire œuvre d’originalité (les duels évoquent le maître italien, la scène de pendaison du marshal celle qui clôt Il était une fois dans l’Ouest, l’étoile remplaçant l’harmonica). Il y a même quelque chose d’un peu vain dans la succession de duels qu’aligne le film, les gimmicks du réalisateur étant finalement assez attendus : l’Indien qu’ « aucune balle ne peut tuer » semble ne pas vouloir mourir, la lumière passe à travers les trous percés dans la main de Lance Henriksen, dans la tête d’un autre et dans la poitrine d’un troisième (on ne vous dit pas qui). Cet étalage de scènes vaguement gore participe aussi, évidemment, du « néo-baroque » de la réalisation. C’est divertissant mais sans surprise.

mort ou vif 5Il reste quelques belles scènes, comme le duel de DiCaprio contre Gene Hackman et celle de Sharon Stone dans le cimetière, en compagnie d’un homme en livrée noire, médecin sans doute, mais qui incarne aussi bien la Mort faisant avec résignation le compte des cadavres. Raimi individualise peu les habitants : les Mexicains valent en tant qu’entité soumise, Kevin Conway et Pat Hingle incarnent chacun une attitude différente, types plutôt qu’individus. L’ambiance est glauque (pauvres spécimens d’humanité baignant dans la fange de leur médiocrité, loi du plus fort, sourires édentés, enfance souillée) et la réussite du film (tout de même) est sans doute d’orchestrer tout cela comme un opéra exposant le triste spectacle d’une humanité réduite à sa plus simple expression, jouet d’une culture du spectacle où elle n’a le choix qu’entre subir et prendre part elle-même à la tuerie. La rédemption ne peut venir que de l’extérieur et prendre la forme d’une vengeance, que son artisan (Sharon Stone) ne réalise qu’avec peine, en se faisant elle-même violence et en passant par une mort symbolique.

 

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