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21 octobre 2010 4 21 /10 /octobre /2010 18:10

VICTIME TERMINAL (FINAL VICTIM), de Stephen J. Cannell

Flammarion, 1996

 

Essai à transformer pour le roi de la série eighties

cannell victime terminalLes livres de Stephen J. Cannell ne sont pas tous sortis en France. A ma connaissance, deux ont paru : Victime terminal et Le roi de l’arnaque. Le choix du premier titre français est curieux : Final Victim se traduit aisément par La victime finale, ou Terminale, mais Victime terminal, sans e final, semble jouer sur les mots (le roman met en scène des génies de l’informatique, d’où peut-être le mot terminal, au masculin, quoique…). Du coup, alors que l’expression « victime terminale » apparaît en effet dans le cours du roman, « victime terminal », en revanche, n’a guère de sens. Ce qui est un petit peu embêtant tout de même.

Deuxième livre de Cannell, publié en 1997 (mais d'autres sources disent un an plus tôt), Final Victim est un schéma policier tout ce qu’il y a de classique et, disons-le tout de suite, ni original ni franchement réussi. Cannell y réaffirme son goût pour les héros marginaux : ici, un flic aux méthodes peu orthodoxes mais au tableau de chasse reconnu fait équipe avec une psychologue surdouée des Douanes américaines et un génie de l’informatique emprisonné (par lui) pour fraude. Un trio improbable qui se retrouve entraîné dans une histoire effectivement improbable : si la première partie du roman, jusqu’à la confrontation avec le tueur en série que traquent les trois alliés, est plutôt intéressante, la suite aligne des situations invraisemblables poussées jusqu’à une conclusion grand-guignolesque. On sent le souci de l’effet prendre le pas sur celui de la crédibilité. La façon dont la psychologue se jette elle-même entre les mains du tueur, et la manière dont ses deux alliés lui sauvent la mise alors qu’ils sont l’un comme l’autre dans un état qui devrait à peine leur permettre de tenir debout font des derniers chapitres un parcours assez difficile à suivre pour le lecteur, à qui on demande un gros effort de bonne volonté. Certes, Cannell a le sens du rebondissement, mais il en use ici au détriment de ses personnages, après avoir pourtant réussi à y intéresser son lecteur dans les premiers chapitres. Au terme de ce parcours, une conclusion très guimauve, assortie d’une sorte de mystique de la rédemption qui, adaptée à l’écran, ferait sans doute sourire.

Final Victim fait un usage décomplexé de poncifs réactionnaires que Cannell a aussi utilisés dans ses productions pour la télévision. Le tueur en série est un « monstre » de deux mètres dix et cent quatre vingts kilos traumatisé par une mère adoptive follement mystique (ou mystiquement folle), surnommé le Rat parce qu’il calque son comportement sur celui du rongeur, schizophrène, asocial, hystérique mais génialement doué pour l’informatique, capable de prendre le contrôle d’« immeubles intelligents » et d’orchestrer une mise à mort au gaz halon au sein même du ministère de la Justice. Son « projet » : construire une « Bête » en volant à plusieurs cadavres (de femmes assassinées par ses soins) des morceaux de leur corps, ici les jambes, là les bras, enfin la tête – le syndrome Silence des agneaux, peut-être, bien que Cannell cite à l’envi d’autres tueurs en série célèbres, comme Charles Manson et John Wayne Gacy. A ses côtés, une bande d’illuminés « death metal » adeptes de la violence la plus extrême, dont se détachent un Satan et un Os de Satan (jolis surnoms). Le héros est lui-même un flic à la Rick Hunter, paumé mais doué, capable de débiter des répliques de série Z sans remuer un sourcil. Ajoutez à cela une ex-femme (belle comme un cœur mais promise à une mort violente), une petite fille qu’il n’a pas su aimer, une attirance pour la psychologue surdouée, ladite psychologue également en roue libre côté vie affective, un pirate informatique mexicain aussi séduisant que génial, une grande confusion des sentiments dans tout ce monde, et vous obtenez un cocktail où se bousculent, donc, les poncifs, et qui donne finalement l’impression d’un fourre-tout pas forcément déplaisant mais pas non plus très abouti.

Lecture intéressante pour qui connaît les séries de Cannell, Victime terminal donne au moins envie de lire d’autres opus du bonhomme, ne serait-ce que pour voir s’il a su, justement, se forger un style plus abouti, plus cohérent. On y reviendra donc peut-être un jour.

Thierry LE PEUT

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