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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 16:26
LE NEZ A LA FENETRE, de Jean-Noël Blanc
Editions Joelle Losfeld, 2009

Allez Momo !

L61837Le nez à la fenêtre est le roman d’un combat. Le combat d’un homme contre lui-même. C’est une situation classique du sport, dans lequel Jean-Noël Blanc ancre son récit. Momo est un coureur cycliste, mais pas une star ; il appartient à ces coureurs de l’ombre, ces travailleurs ignorés des médias et du grand public parce que leur rôle, leur travail, n’est pas de remporter les victoires mais de permettre à la star de gagner. Blanc imagine ce qu’a pu être la vie de Momo, son enfance, ses épreuves, son caractère, pour faire de lui l’homme qu’il est devenu. De là une construction duelle, à l’image du combat que livre Momo lors d’une étape particulièrement difficile du Tour de France. Un chapitre pour l’enfant, un chapitre pour l’adulte. Un pour le passé, un pour le présent. Un en gras, l’autre non. Chaque chapitre assorti d’un titre, numérotés pour le passé, sans numéro mais en majuscules pour le présent. A mesure que le récit avance, en deux lignes parallèles, ces chapitres se répondent, le passé explique le présent mais s’en nourrit aussi, au point que les deux lignes finissent par se lier en un seul récit, à mesure que se dessine une autre ligne, décisive, celle de l’arrivée d’étape.

 

Les têtes de chapitres à elles seules dessinent l’évolution du récit et soulignent les enjeux de chaque ligne narrative. Pour le passé, l’auteur choisit des formules qui font écho aux expériences de Momo enfant mais aussi à l’habitude de sa mère de ponctuer tous ses propos d’une maxime, d’un proverbe, d’un dicton illustrant la sagesse populaire. Sagesse populaire qui, en l’occurrence, est l’arme grâce à laquelle cette mère, élevant seule son enfant, assume sa vie de ménages, de privations et d’efforts. Ne jamais se plaindre, faire ce qui est à faire, vivre le jour présent non pas sans penser au lendemain mais en taisant sa peur du lendemain. Tic de langage, amusant au départ, ce goût des maximes se révèle une politesse de la souffrance. En tête des chapitres consacrés au présent, il prend la forme de formules à l’infinitif qui sont autant d’exhortations que se fait Momo en absorbant les kilomètres sur son vélo. Rester concentré, évacuer la peur, tenir et durer… C’est la vie de Momo résumée en formules, la révolte transformée en exhortation à l’effort, le silence imposé à la douleur, la nécessité de tenir et peut-être, au bout de la route, l’espoir de gagner. Ce n’est qu’à la fin du récit que l’infinitif cède la place à l’impératif, au moment où l’enjeu devient plus important, l’espoir plus prégnant. Pour finalement s’effacer devant un groupe nominal, et pas n’importe lequel : un nom chargé de sens, de souvenirs, un nom synonyme de victoire et de réconciliation, de paix, à l’issue du combat.

 

Le nez à la fenêtre – l’expression est issue du langage cycliste – se lit avec facilité et se termine avec avidité. Non seulement Jean-Noël Blanc parvient à nous intéresser aux expériences de son protagoniste, à nous installer dans la course, mais il réussit également à nous entraîner derrière lui dans un récit qui monte en puissance et se mue très vite en un suspense accrocheur. Et cela, même si l’on n’a aucune connaissance du vélo ou aucune inclination pour ce sport, ou pour le sport en général. Palpitant.
Thierry LE PEUT

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