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12 août 2009 3 12 /08 /août /2009 10:13

 

Ce texte est une synthèse d’un article paru dans Le Monde diplomatique n° 665 (août 2009). Je ne me suis pas embarrassé des « règles » académiques de la synthèse, mêlant volontiers quelques phrases directement citées de l’article à une synthèse proprement dite. Le but étant de résumer le contenu de l’article, non de proposer un exercice conforme à des règles prédéfinies.

 

"Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, deux vagues successives ont submergé le monde arabe, celle du nationalisme et celle de l’islamisme politique. Au-delà de leurs divergences, ces deux courants s’abreuvent aux mêmes sources : le désir d’indépendance, le refus des ingérences étrangères, l’aspiration à un développement plus équitable et plus juste. Ces objectifs n’ont pas été atteints. L’émergence d’une troisième force permettra-t-elle de sortir de l’impasse ?"

 

par Hicham Ben Abdallah El Alaoui (article original)

 

Le nationalisme arabe donnait au monde arabe une perspective unitaire. Bien qu’il se soit toujours soldé par un repli sur des projets purement nationaux, « fossilisé » en des Etats dirigés par un parti unique ou un leader à vie, il a permis aux pays arabes de mettre fin au colonialisme et donné aux nations arabes des récits d’héroïsme, d’union et de réussite.

 

Le nationalisme arabe ayant échoué à accomplir l’union réelle du monde arabe, nombre de ses idées sont reprises aujourd’hui par l’islamisme politique. Bien que celui-ci débouche sur des méthodes et une politique condamnables, il exprime « la quête de sens et le désir de voir renaître une communauté unifiée ». Le succès du Hezbollah au Liban ou du Hamas à Gaza s’explique en grande partie par le fait que ces partis représentent la résistance à l’oppression et traduisent le désir d’indépendance des populations arabes, que les Etats n’expriment plus. « Historiquement, le nationalisme arabe et les mouvements islamistes partagent un certain nombre de principes : la quête d’une conscience collective unifiée, le désir de renaissance de la langue et de la culture arabes et, après la seconde guerre mondiale, l’anti-impérialisme. »

 

Pour autant, l’islamisme n’est pas aussi « pur » qu’il le souhaiterait de toute influence étrangère. Il a en réalité bénéficié du soutien direct ou indirect de l’Occident et des gouvernements arabes réactionnaires, qui ont souvent soutenu les mouvements islamistes contre le nationalisme arabe. Par exemple, les Britanniques utilisèrent les Frères Musulmans en Egypte contre le nationalisme de Nasser ; Israël soutint jadis le Hamas en Palestine pour s’opposer à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat ; les Etats-Unis soutinrent les « Arabes afghans » contre le communisme lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan à partir de 1979. Chacun, Occidentaux et islamistes, y trouvait son compte, même si aujourd’hui la « créature » (les mouvements islamistes) s’est retournée contre son « créateur ».

 

Aujourd’hui, les mêmes qui hier soutenaient l’islamisme s’efforcent d’attiser les querelles entre sunnites et chiites pour accélérer la fracture entre le monde arabe et l’Iran. Alors même que, durant les années 1960 et 1970, l’Iran était le seul allié d’Israël et des Etats-Unis contre le nationalisme arabe – jusqu’à ce que la révolution islamique de 1979 en fît une « bête noire ». Et que, paradoxalement, l’Iran ait le plus largement bénéficié de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003 [l’Irak représentant jusqu’alors le plus fort bastion du nationalisme arabe contre l’islamisme incarné par le régime de Téhéran]. Cette stratégie, dangereuse, risque à nouveau de se retourner contre ses instigateurs en faisant imploser le panislamisme, qui après l’échec du panarabisme (nationalisme arabe), contient les germes d’une unité arabe vers la démocratisation.

 

Il existe une troisième forme de nationalisme transnational arabe. Ce n’est pas un mouvement formel, mais plutôt une forme de conscience collective qui se manifeste dans les moyens de communication modernes (Al-Jazira, Internet, Facebook, etc.), dans les réseaux qui lient les diasporas à leurs pays d’origine, et qui marque spécialement la jeunesse. Cette conscience se réfère aux principes du droit international, comme l’a manifesté la crise de Gaza. Ce « troisième nationalisme » n’est lié ni aux gouvernements ni aux régimes. Il n’a pas de programme politique : il rejette toute intervention militaire étrangère, condamne l’autoritarisme et la corruption, aspire à la démocratie. Il réclame justice et indépendance dans l’ensemble du monde arabo-musulman.

 

La crise économique actuelle, déstabilisatrice, introduit pourtant des éléments porteurs de développements inédits. Des mouvements de protestation, se traduisant par des grèves, des manifestations, des appels, réclament la justice sociale indépendamment des réseaux islamistes, qui souvent ne savent pas gérer ce type de revendication. Ces mouvements « ouvrent aux forces progressistes des possibilités inédites de faire avancer leurs idées sur la justice et les droits sociaux ».

 

Les régimes luttent pour empêcher ces mouvements de s’unifier et de s’allier aux islamistes. Ils usent de la répression et d’une arme plus insidieuse, se posant en défenseurs des valeurs arabes ou musulmanes et condamnant les discours sur les droits sociaux en les accusant d’être importés par l’Occident. Par exemple, en luttant pour faire changer la condition de la femme, les progressistes se voient accusés de « capitulation culturelle » tandis que les régimes autoritaires se posent en garants de la « résistance culturelle à l’occidentalisation ». C’est là un véritable piège identitaire dans lequel les régimes tentent de faire mourir les forces progressistes.

 

L’islamisme, lui, s’empare parfois des revendications progressistes : ainsi les talibans adoptant au Pakistan la notion de conflit de classes et plaidant pour la réforme agraire en confisquant les terres de riches propriétaires. C’est là un message clair adressé aux progressistes et aux régimes « modérés » : si vous n’agissez pas enfin avec détermination contre la corruption, la pauvreté et l’inégalité, vous serez débordés par les islamistes sur ces questions.

 

Des possibilités d’alliances profitables aux deux courants existent cependant, sur toutes les questions qui mobilisent les populations : le chômage, la pénurie de nourriture et de ressources, la hausse des prix, la lutte contre la corruption, le règlement de la cause palestinienne, l’application du droit international…

 

Les principes d’une action unie et efficace seraient les mêmes qui animaient hier le nationalisme arabe. L’utopie n’est pas sans précédent : le monde arabo-musulman peut s’inspirer de l’Europe, qui a mis un terme à des siècles de conflits sanglants pour entamer un processus d’unification sans pour autant renoncer à l’indépendance nationale et aux différences culturelles entre ses peuples.


Retrouvez les articles de Hicham Ben Abdallah El Alaoui sur le site du Monde Diplomatique

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commentaires

J
"Voici qui est aussi joliment nuancé et précisé que d'habitude" est-il écrit en commentaire : l'auteur originel importe moins, en effet, que les idées auxquelles on s'arrête...
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J
Voici qui est aussi joliment nuancé et précisé que d'habitude. <br /> Troisième forme de nationalisme ? Cela souligne bien un échec des deux précédentes. Mais n'est-ce pas le cas de tout "nationalisme" ? On lui préfèrerait bien, s'il faut choisir une communauté, un "patriotisme". <br /> A en croire les programmes d'histoire de terminale, on y aborde aussi cette question de l'échec de mouvements nationalistes laïques auxquels succèdent les mouvements religieux, etc.<br /> Concernant le voile intégral, pour imaginer un lien avec le précédent article, je ris encore des résultats modestes de ce "comptage" par les renseignements généraux du nombre de cas avérés actuellement en France.<br /> Enfin, le niqab, voici un moyen de se protéger des risques du soleil : car je ne doute pas que vous ayiez aussi du bien beau temps cette semaine. En tous cas, je l'espère.
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