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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 19:01

ROBERT VAN GULIK : SA VIE SON OEUVRE, par Janwillem Van de Wetering

1987 - Christian Bourgois Editeur, 1990

 

Biographie passionnée

van gulik par weteringCurieuse idée, peut-être, que de vouloir lire la biographie d’un auteur que l’on n’a jamais lu. Biographie partiale, qui plus est, écrite par un admirateur dudit auteur ! C’est bien ce qu’est le Van Gulik : Sa vie, son œuvre de Janwillem Van de Wetering, publié en 1987, vingt ans après la mort de Robert Van Gulik. Wetering est un admirateur de Van Gulik et un lecteur éclairé des aventures du Juge Ti, ce magistrat enquêtant dans la Chine ancienne sous la plume de Van Gulik, diplomate polyglotte spécialiste de la Chine. Le juge Ti sévit dans dix-sept romans – si l’on s’en tient à ceux de Van Gulik, car le personnage sera repris par d’autres auteurs.

N’ayant jamais lu ni un Juge Ti ni aucun des textes savants écrits par Van Gulik (qui a signé notamment un volumineux et très sérieux La vie sexuelle en Chine ancienne), que suis-je allé faire dans cette biographie ? Eh bien, la faute trouve sa source dans la personne d’un ami qui me parla du juge – dont il a, lui, audacieusement lu quelques enquêtes -, et dans l’envie d’y aller voir qui me fit hésiter plusieurs fois devant la collection 10/18 des enquêtes dudit juge. C’est finalement vers la biographie que s’est portée ma main intimidée, mon cerveau lui ayant commandé ce geste en se disant que la lecture de la biographie achèverait peut-être de me pousser vers les œuvres du bonhomme. Depuis, j’ai effectivement acquis l’une des enquêtes du juge, que je n’ai pas encore lue.

La biographie, en revanche, c’est fait. Reste à savoir si elle m’a effectivement donné envie d’ouvrir les pages de Van Gulik. Il faut dire avant toute chose que cette biographie signée Van Wetering est assez curieuse. Il y est beaucoup question du juge Ti et de sa philosophie, à travers laquelle Wetering interroge celle de Van Gulik, se demandant notamment si, au contraire de ce qu’a prétendu un certain John Blofeld (qui n’est pas l’ennemi de James Bond mais un fonctionnaire britannique ami de Van Gulik, dont Wetering cite les propos), Van Gulik croyait, d’une manière ou d’une autre, aux religions des Chinois. Retracer la vie de Van Gulik n’est pas le dessein de Wetering ; de cette vie, on aura un aperçu conséquent, bien sûr, notamment à travers des « notes biographiques » présentées en fin de volume, mais Wetering traque plutôt l’homme à travers ce qu’on a dit de lui et ce qu’il a lui-même écrit. Cela donne une biographie très personnelle, très partielle aussi, et certainement partiale. Mais c’est aussi ce qui fait l’intérêt de ce petit ouvrage, auquel on s’intéresse assez facilement, bien qu’en certaines endroits je me sois senti un peu dépassé par le cheminement de Wetering. Qu’à cela ne tienne : il faudra que je lise Van Gulik à mon tour, et l’aventure m’aura de surcroît appris que Wetering était lui-même auteur de récits policiers dont la lecture serait un autre divertissement semble-t-il distrayant.

Ce Van Gulik : Sa vie, son œuvre offre des considérations succinctes sur le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme (c’est toujours bon à prendre, vous pourrez ensuite lire François Jullien ou Jean-François Billeter pour approfondir), en plus d’un point de vue insolite sur un auteur (Van Gulik) qui concevait l’écriture de romans policiers comme une façon de s’évader de son activité diplomatique, mais d’une manière qui lui devint bien vite essentielle. De même que ses écrits savants lui permettaient de s’adresser à un public lettré tout en approfondissant sa connaissance d’une culture qui le passionnait, les enquêtes du juge Ti lui offraient la possibilité d’aborder cette culture sous un autre angle, pour ainsi dire de l’intérieur. Les enquêtes du juge Ti ne sont pas sorties de son seul esprit : il a commencé par les traduire à partir du chinois ancien, pour ensuite les prolonger en tirant profit de comptes rendus d’enquêtes eux-mêmes empruntés à la Chine ancienne – et qu’il a d’ailleurs publiés sous le titre : Affaires résolues à l’ombre du poirier : Un manuel chinois de jurisprudence et d’investigation policière du XIIIe siècle. Un recueil d’idées pour les apprentis écrivains, dans lequel Van Gulik a donc puisé lui-même pour écrire ses petites distractions policières.

On retient de l’opuscule de Wetering l’image d’un Van Gulik singulier, diplomate et auteur de romans policiers (on en connaît d’autres, jusqu’à Jean-Louis Debré !), grand ami des singes dont il s’est souvent entouré, jusque dans sa maison, père de famille pourtant dont on se demande où il trouvait le temps d’assumer tous ses rôles. Il semble qu’il dormait peu, ce qui peut être un avantage. Un homme, surtout, d’une grande érudition et d’une grande curiosité, l’une expliquant l’autre, capable de s’intéresser aux nuances de la religion mais aussi aux gestes techniques de l’imprimerie et de la calligraphie à l’ancienne. Auteur de dessins destinés à illustrer ses écrits, de calligraphies élégantes et rigoureuses, d’un essai sur l’art du luth chinois, passionné on l’a vu par les pratiques sexuelles des anciens Chinois et par leur signification, Van Gulik fut un homme à la vie intellectuelle foisonnante. De quoi rendre, forcément, cette biographie passionnante. Goûtez-y donc, vous verrez par vous-mêmes !

Thierry LE PEUT

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