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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 19:32
JOHN RAMBO, de Sylvester Stallone
Lionsgate / Nu Image, 2007

Il revient, il va tout péter,
mais on n'y croit plus

john rambo 1John Rambo et Rocky Balboa forment un diptyque : tournés l’un après l’autre, ils marquent le retour des deux personnages « mythiques » de Stallone. Le propos de Rocky Balboa est clairement de clore la saga en proposant un dernier tour de ring achevé par une standing ovation et le salut de Stallone-Rocky à son public. Avec John Rambo, la chose est moins claire. Le personnage se prête moins à la nostalgie et à un départ à la retraite « dans les règles ». Seule la scène finale montre explicitement la volonté d’écrire un dernier chapitre ; cette scène est d’ailleurs mal raccordée à la « mythologie » de la série des Rambo, le retour à la maison du héros apparaissant comme une contradiction avec la situation du personnage au tout début de la saga. Que Rambo ait un père encore vivant aux Etats-Unis paraît assez insolite ; que ce père possède une ferme de carte postale, illustration désuète d’une Amérique rêvée, ne l’est pas moins. Cette conclusion paraît donc un moyen radical de tourner la page Rambo.

Comme dans Rocky Balboa, Stallone invoque les ombres de la saga, ici à travers une scène de cauchemar qui fait entendre la voix du colonel Trautman sur des images issues des précédents opus. La retraite du guerrier en Thaïlande évoque aussi, bien sûr, le début de Rambo III, mais il s’agit surtout de renvoyer Rambo dans la jungle où il a fait ses armes trente ans plus tôt. La junte militaire birmane est une copie des soldats viêtnamiens communistes de Rambo II. La jungle, toutefois, se présente ici comme un décor au déchaînement de violence auquel invite le film : elle n’est plus filmée avec cette proximité quasi viscérale qui caractérisait tant la nature de Rambo que la jungle asiatique de Rambo II. Dans ces deux opus, Rambo survivait seul et s’emparait littéralement de l’espace, il l’habitait. Il est difficile d’en dire autant dans John Rambo, où le héros fatigué semble accomplir presque en fonctionnaire la mission qui lui échoit. J’y vais, je vois, je pulvérise et je rentre.

john rambo 5Le guerrier est fatigué. Retiré loin des Etats-Unis, il a tourné le dos à son passé, enfoui ses démons au tréfonds de lui-même et ne veut plus combattre, ni même être impliqué dans la marche du monde. « J’emmerde le monde » : inutile de faire un dessin, c’est ce qu’il répond à la femme idéaliste qui essaie d’agiter sa conscience. Et qui y parvient, d’ailleurs, preuve que cette conscience existe. Mais, avec elle, viennent la mort, la guerre, le sang. Rambo reprend les armes mais agit à contrecoeur. Tuer est une compétence acquise, mais il ne l’exerce plus tant pour se défendre, désormais, que pour sauver des gens qu’il ne peut se résoudre à laisser mourir. La silhouette féline, sournoise et bondissante de jadis est devenue lourde, pesante, et ce n’est plus dans le mouvement perpétuel qu’il faut lire la violence du personnage mais dans son immobilité, comme dans cette scène où, collé à la barre de son bateau, il défie du regard un ancien SAS avide d’en découdre.

john rambo 6La violence de John Rambo, pourtant, est extrême. Stallone a tiré les leçons de la séquence d’ouverture de Il faut sauver le soldat Ryan, comme l’avaient fait John Woo (Windtalkers) et Eastwood (Mémoires de nos pères). Les trajectoires des balles sont visibles, les corps sont déchiquetés, les têtes tranchées, les membres sectionnés : que la violence soit administrée par les militaires birmans ou par Rambo, sa représentation est également sanglante. L’ultime séquence de guerre voit Rambo utiliser la mitrailleuse lourde des Birmans contre eux-mêmes, pulvérisant tout ce qui passe à sa portée, hommes et machines. Œil pour œil, dent pour dent ? Ce serait tout à fait dans l’esprit de la série. Mais il n’est pas impossible que Stallone renvoie aussi dos à dos tous les tueurs, quel que soit leur camp, en même temps qu’il illustre littéralement la devise de son héros : « J’emmerde le monde » et je le pulvérise, sans faire dans le détail. On ne peut s’empêcher de penser, malgré tout, que ce déchaînement de violence visuelle a aussi pour but de pallier la relative défection du héros, Stallone ne pouvant plus prétendre, à soixante ans, aux mêmes exploits physiques que jadis.

john rambo 4Quant au message, il est également rudimentaire : les humanistes idéalistes débarquent pleins de principes non violents mais ont besoin de l’aide de Rambo pour pénétrer en zone de guerre ; leur chef condamne la violence dont fait preuve le teigneux pour les sauver de pirates birmans peu au fait de leurs principes d’humanité ; puis ils sont brutalement invités dans le monde selon Rambo par la junte militaire qui décime sans façon le village où ils ont commencé à soigner et réconforter les opprimés. Certains sont amputés par les bombes, d’autres littéralement explosés, d’autres emmenés comme prisonniers – sans que l’on sache d’ailleurs ce qui leur vaut ce traitement de faveur. Les mercenaires envoyés à leur secours débarquent à leur tour comme des vacanciers, prêts à rebrousser chemin au premier sang. Et tous ne doivent leur salut qu’à John Rambo, qui parle peu – au contraire du SAS belliqueux – mais tue efficacement. On aimerait être moins « léger » avec le scénario concocté par Stallone et Art Monterastelli, mais ce serait faire preuve d’hypocrisie. La longueur même du film – il atteint laborieusement 1 h 20, prolongé par environ huit minutes de générique de fin… - confirme que Stallone, comme son personnage, cherche à « finir le travail », sans parvenir à y mettre tout son cœur.

On a aimé Rocky Balboa, moins punchy que les premiers opus mais honnête. On a plus de mal à recommander ce John Rambo qui se laisse regarder, certes, mais sans convaincre.
Thierry LE PEUT

john rambo 9

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