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10 juin 2009 3 10 /06 /juin /2009 16:40

LOOKING FOR ERIC, de Ken Loach
en salles depuis le 27 mai 2009

Surprenant et réjouissant
N'étant pas fana de foot et n'ayant par conséquent aucun attachement particulier à la figure d'Eric Cantona, je craignais - comme d'autres - que le film de Ken Loach ne soit organisé tout entier autour d'une personnalité médiatique à laquelle j'étais indifférent. La bande-annonce faisant la part belle au footballeur, cette crainte paraissait raisonnée. De là une certaine perplexité lorsque, ayant malgré tout accepté de suivre quelques amis dans la salle, je m'assis devant l'écran. Ken Loach, d'accord ; Cantona, ... à voir.

Or, le film de Loach se révèle parfaitement équilibré... autour du personnage du père que les difficultés de sa vie quotidienne poussent à rechercher la compréhension et l'attention qui lui manquent auprès du poster grandeur nature de Cantona plutôt qu'auprès de ses proches bien réels. Cantona apparaît en définitive assez tard, une fois posée la situation du père ; et il ne prend jamais le pas sur ce dernier, auquel le réalisateur conserve toute son attention.

Voilà pour la crainte initiale, aisément balayée par les premières minutes du métrage. Il est aisé de s'intéresser au personnage du père, saisi in medias res en pleine crise d'alcoolisme dépressif avant d'être accompagné chez lui, où la caméra le suit de pièce en pièce, révélant d'abord son environnement et, progressivement, les personnes qui l'occupent. Ainsi se dessine, en deux séquences, la situation du père, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'est pas reluisante. Un postier déprimé, ancien prodige des salles de danse qui n'a jamais digéré la séparation d'avec la femme de sa vie - qu'il a pourtant quittée, et non l'inverse -, vivant avec deux fils d'un second mariage et gardant de temps en temps le bébé de sa fille du premier lit, le tout sur fond de petite maison-duplex encombrée d'objets hétéroclites - et parfois associés à un trafic pas très net des amis du fils aîné. Pas de doute, on est dans une Angleterre à la Ken Loach : les écrans de télé ont beau envahir les lieux, présents dans presque toutes les pièces (et du beau matériel), l'ensemble n'est quand même pas jojo et les deux séquences mettent en corrélation la grisaille intérieure du personnage principal et celle de son environnement.

Le père s'appelle Eric, comme le footballeur. Et c'est justement là que Ken Loach attend son public : évidemment, tout le monde pense à Cantona. Or, l'Eric du film, c'est l'autre, le père paumé qui cherche à se retrouver, et qui reçoit pour y arriver une aide "providentielle" : celle d'Eric Cantona, apparu un beau soir dans sa chambre, alors qu'il parle à son poster. Un Cantona philosophe, qui parle un anglais méridional et délivre des sentences tantôt en anglais tantôt en français, avec ou sans traduction. "I'm not a man. I'm Cantona." Cette sentence, délivrée dans la bande-annonce, avait de quoi faire frémir. Remise en contexte, elle remet Cantona à sa juste place : celle du petit démon qui vient en aide à son homonyme, qui lui insuffle l'envie de se reprendre et de se battre, le tout sans se prendre lui-même au sérieux, en appliquant au contraire son sens de la dérision à son propre personnage d'idole des gradins. Ce n'est pas l'homme Cantona qui importe : c'est son impact sur l'autre Eric.

Looking for Eric déroule dès lors une intrigue de comédie dramatique, où la dureté du drame (les trafics sont réels mais la situation du fils est plus dramatique encore qu'on ne s'y attend) est tempérée par la force comique des péripéties qui permettent d'en sortir et par le caractère de "conte interrompu" que revêt la relation entre Eric et l'ex-femme de sa vie, dont on n'a pas de mal à comprendre qu'il l'a toujours dans la peau... et réciproquement. La fin est alors attendue et sans véritable surprise, à ceci près que l'on n'est pas certain que le happy end ne le cèdera pas à un dénouement dramatique. La présence de Cantona - pas l'idole mais son esprit, rappelons-le - est là pour nous rassurer.

Les rôles secondaires, et particulièrement les amis postiers d'Eric, réussissent à provoquer l'hilarité par leurs querelles de bistrot d'abord, par leur gaie aptitude, ensuite, à sortir leur copain de la panade. Et on n'est pas près d'oublier la réplique que lance leur "porte-parole" au "gangster" dont la joyeuse troupe saccage la belle maison : "Où que tu ailles, je te retrouverai. Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis postier !" Tonnerre d'applaudissements des copains, dont on ne décrira pas l'allure pour ne pas déflorer l'un des gags ultimes du film.

Looking for Eric ? Un film familial, finalement, avec de bons sentiments et des moments de grâce. Bref, tout pour ne pas regretter d'avoir cédé à la curiosité !  TLP

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commentaires

B
Repasse, Elvys, repasse , tu seras bienvenu(e) - tu vois, je conserve aussi le mystère sur ta personne :) Tu touches à l'une des questions fondamentales de tous ces petits écrits : faut-il déflorer ou non ???
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E
J'ai vraiment bien rit pendant ce film . Critique remarquablement écrite, sans déflorer le film, je repasserai quand j'aurai un choix dramatique à farie !
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