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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 10:32

LA SALLE DE BAINS DU TITANIC de Véronique Ovaldé

J'Ai Lu, 2010 (recueil hors commerce) et 2012

 

ovaldé - salle de bains titanicFaux conte, vrai drame

Que demande-t-on au premier livre qu’on lit d’un auteur ? De donner envie d’en lire d’autres, peut-être. Mission accomplie pour La salle de bains du Titanic, petit recueil signé Véronique Ovaldé. « Figure incontournable et singulière de la littérature française contemporaine » (c’est la quatrième de couverture qui le dit), Ovaldé a déjà signé d’autres livres, ceux-là mêmes qui lui ont valu une si jolie couronne d’éloges. Les trois textes de cet ouvrage, présentés comme des nouvelles parues auparavant dans Le Monde 2, Télérama et le recueil Des nouvelles de La Fontaine, sont liés. Ils se suivent et, même si le deuxième change d’objet et semble s’éloigner de la petite fille du premier, devenue jeune femme du troisième, les trois possèdent en fait la même héroïne. Chacun est un moment dans la vie de cette héroïne, Vienna. Le nom, nous dit le premier texte, vient du film Johnny Guitar. C’est un nom d’héroïne de conte. Et il y a dans ces textes quelque chose du conte.

C’est ce qui vous trompe, évidemment. Cette naïveté du style, qui épouse le bon sens ingénu d’une enfant pour mieux vous enfermer, de page en page, dans le pressentiment du noir. Cela commence avec les titres, d’une innocence insolite. « Tous ceux qui n’ont pas de nombril sont des martiens », « Les mouettes de Camerone », « La salle de bains du Titanic ». Cela se poursuit avec le lieu. Camerone, une ville imaginaire sont la plage se perd à l’horizon, où il fait chaud été comme hiver. L’éternité de la plage. On comprendra pourquoi elle est éternelle, cette plage, mais plus tard. Quand tout sera en place. Tout, c’est-à-dire ce qui s’est passé cet été-là. L’été où deux orques se sont échouées sur la plage de Camerone, tout près de l’usine de traitement de déchets toxiques. Je vous parlerais bien d’une chemisette à carreaux mais si je le fais la suite risque de devenir évidente alors je préfère me taire.

La couverture porte une sorte de sous-titre, tout à côté du portrait de l’auteur : « Juste avant l’été où. » Sans points de suspension, juste un point. C’est définitif. D’ailleurs, on ne saura jamais la suite. C’est au lecteur de deviner, et il faut toujours se méfier des choses trop évidentes. Comme du lapin que poursuit Vienna dans les dunes de sable, et qui la ferait passer pour une Alice au pays des orques et d’une usine de traitement des déchets toxiques. Mais ce qui s’est passé cet été-là est important, et chacun des trois textes tourne autour de cet événement. De l’un à l’autre, on retrouve Vienna, qui a changé. La jeune femme anxieuse de « La salle de bains du Titanic », qui met des pastilles d’iode dans sa salle de bains en cas d’attaque radioactive, n’est plus la fillette insouciante de « Tous ceux qui n’ont pas de nombril sont des martiens », qui s’inquiète à cause du cancer de sa mère, et dans le deuxième texte elle n’est qu’une silhouette qui marche en regardant le sol, comme si elle avait perdu quelque chose. Pourtant c’est bien la même, Vienna. Et sa famille aussi change. Sa mère, dont les cheveux repoussent, et disparaissent à nouveau, comme si sa maladie était une donnée normale, changeante mais immuable. Son père, si anxieux, puis si calme – sans doute les cachets qu’il prend le soir.

Ovaldé nous trompe. Elle nous attire dans un univers de petite fille, dans un univers de conte où l’on s’attend à voir de la magie. Puis, une fois qu’elle nous a fait entrer, elle nous oblige à voir l’envers du conte. Il y a de la mélancolie dans cette ruse. Une politesse de désespéré(e). Jusqu’au bout, pourtant, tout cela reste cohérent, au point que la conclusion du tercet paraît la seule possible, comme si tout était écrit, avant, déjà. Les Martiens n’existent pas, c’est évident, et certaines choses de cette histoire ne devraient pas exister non plus ; pourtant.

Thierry LE PEUT

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