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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 10:36

LA ROSE DE BLIDA de Yasmina Khadra

Hatier, 2011

 

khadra - rose de blidaPremier amour en Algérie

La Rose de Blida a tout pour devenir un classique : texte court, écrit dans une langue simple, il est déjà étudié dans les collèges. De plus, il se prête merveilleusement à l’examen du texte autobiographique et son personnage principal est un garçon de treize ans dont l’enfance se passe de surcroît dans l’Algérie de l’Indépendance, ce qui lui confère un intérêt historique. Ajoutez un cela un langage parfois cru, notamment dans la bouche de 53, l’un des gamins de l’histoire, et vous avez des chances d’intéresser votre ado et de faire sourire les adultes !

Yasmina Khadra, qui prend la parole en tant qu’auteur adulte à la fin du récit, raconte son amour irraisonné pour une jeune femme simplement aperçue dans la cour d’une école militaire, dont il sortait lui-même après une peine infligée pour mauvaise conduite. Un simple regard suffit pour rendre l’enfant éperdu d’amour pour une femme qu’il ne connaît pas mais qui lui a paru belle comme un charme. Ce charme est l’objet du récit. Ne parvenant pas à oublier cette apparition, le garçon perd le goût de vivre, déjà entamé par la discipline de fer de l’école militaire. Jusqu’à ce qu’un ami, 53, lui offre l’opportunité de découvrir qui est cette femme et, peut-être, de l’approcher.

La Rose de Blida n’est pas seulement l’histoire d’un premier amour, ni celle d’un amour impossible d’un garçon de treize ans pour une femme adulte. Le cadre du récit est également très important. L’école des Cadets de la Révolution, qui accueillait dans l’Algérie indépendante les orphelins de la guerre d’indépendance, est un lieu de discipline stricte où l’enseignement est dispensé avec rigidité dans un environnement dominé par la brutalité militaire. Les adultes du récit sont à peu près tous antipathiques, brutaux, grossiers, sans communion aucune avec les élèves – ni volonté d’en avoir. Le narrateur y est malheureux. Au contraire de la plupart de ses camarades, il n’est pas orphelin ; son père l’a arraché à sa famille pour le placer là afin de lui donner une éducation sévère et d’en faire un officier. Mohammed, surnommé Mo – c’est le vrai nom de l’auteur, dont le nom de plume est composé des deux prénoms de sa femme -, est un garçon indiscipliné (la peine qu’il vient de purger dans la prison de l’école quand s’ouvre le récit n’est pas la première et ne sera pas la dernière) qui vit hors de tout environnement familial. En dépit de la rigidité de l’école, ses préoccupations adolescentes donnent donc l’impression de s’exprimer hors de toute intervention adulte ; son confident est son ami 53, un garçon que son langage fait de jurons et d’expressions imagées rend immédiatement sympathique. Il se dégage donc du récit une atmosphère de camaraderie teintée d’exotisme, qui rend la nouvelle insolite et attachante. La Rose de Blida est aussi le récit d’une amitié touchante entre le narrateur et Fouad, un autre élève, tout juste plus jeune que lui, très malheureux dans cet environnement et qui se trouve être le fils de la belle inconnue, raison pour laquelle Mo fait tout pour l’approcher et s’en faire un ami. Mais c’est une amitié teintée d’amertume, qui laisse dans le cœur du narrateur, jusque dans sa vie d’adulte, un regret profond.

Récit d’un premier amour, La Rose de Blida mêle donc plusieurs thématiques qui en font un instantané d’enfance, un texte attachant teinté d’idéal et relevé d’une pointe d’amertume qui se lit comme une invitation au voyage. Un voyage dans l’Algérie des années 1960 mais aussi dans cette part d’enfance qui survit en chacun de nous.

Thierry LE PEUT

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